Devoirsenvers les autres (Romains ) 8 Ne devez rien Ă  personne, si ce n'est de vous aimer les uns les autres, car celui qui aime les autres a accompli la loi. 9 En effet, les commandements: Tu ne commettras pas d'adultĂšre, tu ne commettras pas de meurtre, tu ne commettras pas de vol, [tu ne porteras pas de faux tĂ©moignage,] tu ne RĂ©sumĂ© du document Le devoir peut ĂȘtre considĂ©rĂ© comme une obligation et doit ĂȘtre mis au profit de ma libertĂ©. Ainsi, pourquoi avons-nous des devoirs envers autrui ? Autrui est une personne au mĂȘme titre que moi, avec les mĂȘmes besoins, les mĂȘmes sentiments, la mĂȘme libertĂ©... DĂšs lors, si autrui dispose de la mĂȘme libertĂ© que moi, je me dois de le respecter comme je respecte ma libertĂ©. Autrui est mon semblable, mon alter Ă©go, et c'est l'une des raisons principales des devoirs que j'ai envers autrui ... Sommaire IntroductionI Des devoirs qu'envers autruiA. Autrui, mon semblableB. Les animauxC. L'homme en tant que lui-mĂȘmeII Les devoirs envers soi-mĂȘmeA. Des devoirs de personneB. Une sincĂ©ritĂ© envers moi-mĂȘmeC. La recherche du bonheur est un devoirIII L'humanitĂ© est la cause du devoirA. Respecter l'humanitĂ©B. Respecter nos ancĂȘtresConclusion Extraits [...] Dissertation N'avons-nous de devoirs qu'envers autrui ? 1. Des devoirs qu'envers autrui A. Autrui, mon semblable Le devoir peut ĂȘtre considĂ©rĂ© comme une obligation et doit ĂȘtre mis au profit de ma libertĂ©. Ainsi, pourquoi avons-nous des devoirs envers autrui ? Autrui est une personne au mĂȘme titre que moi, avec les mĂȘmes besoins, les mĂȘmes sentiments, la mĂȘme libertĂ© DĂšs lors, si autrui dispose de la mĂȘme libertĂ© que moi, je me dois de le respecter comme je respecte ma libertĂ©. [...] [...] Nous nous devons de respecter l'humanitĂ©, cela est un fait. Ainsi, l'homme porte l'humanitĂ© en lui et le respect qu'il a de lui-mĂȘme se porte Ă  l'humanitĂ© entiĂšre. B. Respecter nos ancĂȘtres Comme le dit les Dix commandements Tu respecteras, ton pĂšre, ta mĂšre et tes ancĂȘtres Nos ancĂȘtres fait ce que nous sommes aujourd'hui. Ainsi, on doit s'intĂ©resser aux actes de nos ancĂȘtres et donc se cultiver sur les habitudes, leurs histoires Le devoir de connaissances sur nos ancĂȘtres est important pour nous connaitre nous-mĂȘmes. [...] [...] Certes, je suis libre de le maltraiter ou de me suicider mais je dispose d'une certaine morale qu'il faut mettre Ă  profit dans certaine condition. Ainsi, les devoirs envers autrui concernent aussi ma propre personne. B. Une sincĂ©ritĂ© envers moi-mĂȘme DĂšs lors, le devoir ne doit pas s'arrĂȘter lĂ . Je respecte autrui mais je me dois aussi d'ĂȘtre morale dans mes intentions. Ainsi, grĂące Ă  mes intentions morales, je suis apte Ă  respecter autrui et moi-mĂȘme comme il se doit. Comme le montre Kant, je me dois de me respecter et d'agir par devoir. [...] 1Nous n’avons de devoir qu’envers autrui. Parce qu’il pose des interdits et des prescriptions, le devoir fixe des limites Ă  nos actions. Mais oĂč fixer la
La rĂ©daction, le 6/12/2006“N'avons-nous de devoirs qu'envers autrui ?” C'est l'un des sujets de philo proposĂ©s ce matin aux candidats au bac. Qu'en pensez-vous ? Que vous inspire-t-il ? La rĂ©dactionSi tu as ri.... c'est que le but de mon post a Ă©tĂ© atteint. Tu sais je suis une adepte de philo surtout allemande et quand je lis le type de sujet que l'on donne Ă  ces jeunes cela me dĂ©sespĂšre. J'aimerai vraiment que la philosophie soit enseignĂ© dĂšs le plus jeune Ăąge pour plus tard les amener Ă  de vĂ©ritables rĂ©flexions et pas seulement pendant un an.“N'avons-nous de devoirs qu'envers autrui ?” C'est l'un des sujets de philo proposĂ©s ce matin aux candidats au bac. Qu'en pensez-vous ? Que vous inspire-t-il ? La rĂ©daction Je crois Bonjour Mme la RĂ©daction, Les devoirs, les obligations envers autrui nous galvanisent. Elles font partie de l'existance d'un etre humain. Mais je crois que nous avons des devoirs envers nous meme Ă©galement. Sinon, que faisons-nous de l'ambition, du surpassement de soi, pourrai-t-on encore se surprendre si nous ne les avions pas ? Pas sur du tout. C'est d'ailleurs, toute la problĂ©matique posĂ©e par la pratique du developpement personnelle et des thĂ©rapies dites parallĂšles la connaissance de soi pour aller plus loin, avec comme objectif suprĂšme trouver un Ă©quilibre pour rĂ©ussir sa vie. Tout un programme. A bientot“N'avons-nous de devoirs qu'envers autrui ?” C'est l'un des sujets de philo proposĂ©s ce matin aux candidats au bac. Qu'en pensez-vous ? Que vous inspire-t-il ? La rĂ©daction Bon... Je me lance!! Le devoir suppose un monde peuplĂ© par d'autres hommes et mĂȘme si je peux ĂȘtre sans autrui, je n'ai pas le choix de vivre sans lui. Autrui est pour moi, tout comme je suis pour lui, une dimension incontournable de notre condition. Mais dans la mesure oĂč j'ai le choix d'aimer ou non mon prochain ou de me servir de lui pour satisfaire mon intĂ©rĂȘt, le devoir envers autrui relĂšve d'une interrogation Ă©thique. Autrui, qui est originellement une nĂ©cessitĂ© pour moi, est bien une question Ă©thique ainsi que ma relation et mon devoir envers lui. Si devoir il doit y avoir, celui-ci suppose la reconnaissance d'autrui, de son originalitĂ©, de sa richesse. Euhhhhh..... je dois vraiment continuer?“N'avons-nous de devoirs qu'envers autrui ?” C'est l'un des sujets de philo proposĂ©s ce matin aux candidats au bac. Qu'en pensez-vous ? Que vous inspire-t-il ? La rĂ©daction Que signifie devoirs ? S'agit-il de contraintes que l'on s'impose ou des normes Ă  respecter vis Ă  vis d'autrui ? Ces obligations personnelles sont-elles liĂ©es Ă  une morale concernant ses propres actes ou propos par rapport Ă  l'autre ? Ou un ensemble de rĂšgles Ă©dictĂ©es par la sociĂ©tĂ©, la vie collective de façon Ă  agir selon un comportement attendu de la part de chacun ? Autrui n'est ce pas un peu soi-mĂȘme ? S'il s'agit d'attentions on pourra Ă©voquer le respect et l'affection, s'il s'agit de temps on pourra penser Ă  la considĂ©ration tĂ©moignĂ©e... pour les aspects positifs. Et c'est aussi soi, Ă  qui l'on doit... de ne pas s'ignorer, de s'Ă©couter, de s'entendre pour ĂȘtre rĂ©ceptif Ă  l'autre. Tout comme les droits, les devoirs devraient ĂȘtre partagĂ©s dans leur application et leur concept par leurs auteurs et leurs "utilisateurs". Mais, peut-ĂȘtre suis-je hors sujet ? Bon... Je me lance!! Le devoir suppose un monde peuplĂ© par d'autres hommes et mĂȘme si je peux ĂȘtre sans autrui, je n'ai pas le choix de vivre sans lui. Autrui est pour moi, tout comme je suis pour lui, une dimension incontournable de notre condition. Mais dans la mesure oĂč j'ai le choix d'aimer ou non mon prochain ou de me servir de lui pour satisfaire mon intĂ©rĂȘt, le devoir envers autrui relĂšve d'une interrogation Ă©thique. Autrui, qui est originellement une nĂ©cessitĂ© pour moi, est bien une question Ă©thique ainsi que ma relation et mon devoir envers lui. Si devoir il doit y avoir, celui-ci suppose la reconnaissance d'autrui, de son originalitĂ©, de sa richesse. Euhhhhh..... je dois vraiment continuer? A developper, svp ! Moi, j'aurai aimĂ© en lire plus... Je suis encore en train d'essayer de faire des liens entre l'Ă©thique et reconnaissance d'autrui... Ca a le mĂ©rite d'etre une piste intĂ©ressante.... Mais , pour moi, je rĂ©ponds Ă  votre derniere question je dois vraiment continuer... ? Devoir serait un bien grand mot, mais sachez que si vous en Ă©prouvez du plaisir, celui-ci sera partagĂ©... En formulant ainsi ma demande, suis-je en train de penser uniquement Ă  moi, Ă  vous ou au deux ?invite_44660, le 6/12/2006“N'avons-nous de devoirs qu'envers autrui ?” C'est l'un des sujets de philo proposĂ©s ce matin aux candidats au bac. Qu'en pensez-vous ? Que vous inspire-t-il ? La rĂ©daction Si on en a pas que vers autrui... C'est qu'on en a envers qui ?...nous mĂȘmes ? - Ben c'Ă©tait dĂ©jĂ  difficile avec les autres alors avec soi... Le soucis c'est qu'autant il existe des rĂšgles pour accomplir son devoir envers les autres...autant il n'y en a pas tellement pour l'accomplir envers nous mĂȘme...Sur quoi se baser, comment ne pas virer Ă  l'Ă©goĂŻsme...ce serait dĂ©sprendre, voir les choses autrement... C'est quoi le devoir ? L'obligation ou plutĂŽt l'honneur de faire... Le respect... ...Le respect de soi comme le respect de l'autre, l'autre comme soi mĂȘme, le devoir de se dĂ©velopper de la maniĂšre la plus constructive, positive ... si chacun se construit bien pas besoin d'exercer de devoirs envers les autres qui soient trĂšs contraignants et obligeants puisque chacun sait s'occuper de lui de la façon la plus saine... Holala, que de vocabulaire Ă  prĂ©ciser et de notions Ă  dĂ©vellopper... C'est le message de la psychologie non ? ;-“N'avons-nous de devoirs qu'envers autrui ?” C'est l'un des sujets de philo proposĂ©s ce matin aux candidats au bac. Qu'en pensez-vous ? Que vous inspire-t-il ? La rĂ©daction le devoir n'existe pas Des devoirs... nous en avons sans doute auprĂšs des personnes dont nous nous sentons responsables. Alors dans ce cas oui. Cependant, il semble plus juste de dire que nous prenons la responsabilitĂ© d'agir parce que nous avons choisi. Le devoir n'existe pas pour moi. On choisit toujours et ensuite on assume, pour nous mĂȘme ou pour les autres. C'est un point de vue personnel“N'avons-nous de devoirs qu'envers autrui ?” C'est l'un des sujets de philo proposĂ©s ce matin aux candidats au bac. Qu'en pensez-vous ? Que vous inspire-t-il ? La rĂ©daction Et pourquoi pas envers soi-mĂȘme ? Un peu simpliste ! C'est une façon de rabĂącher le vieux discours $😋ense aux autres, donne aux autres, oublie-toi toi-mĂȘme, l'Ă©goĂŻsme et l'Ă©gocentrisme sont des pĂ©chĂ©s, et tu trouveras ton bonheur dans l'abnĂ©gation et le renoncement ! C'Ă©tait peut-ĂȘtre valable pour JĂ©sus et les ApĂŽtres quoique... mais pour les autres, je demande Ă  voir, ou plutĂŽt, c'est tout vu. Et puis, nom de Zeus ! quel discours antique !“N'avons-nous de devoirs qu'envers autrui ?” C'est l'un des sujets de philo proposĂ©s ce matin aux candidats au bac. Qu'en pensez-vous ? Que vous inspire-t-il ? La rĂ©daction et celui-la? faut-il prĂ©fĂ©rer le bonheur Ă  la vĂ©ritĂ©? je trouve ce sujet qu'a eu mon frĂšre ce matin beaucoup plus pertinent et interressant.“N'avons-nous de devoirs qu'envers autrui ?” C'est l'un des sujets de philo proposĂ©s ce matin aux candidats au bac. Qu'en pensez-vous ? Que vous inspire-t-il ? La rĂ©daction devoirs et conscience12
Ils’agit de l’amour et du respect. L’amour mutuel se rapporte Ă  la fin d’autrui et le respect mutuel au droit d’autrui. Il dit que le devoir d’amour envers les autres est « la maxime de bienveillance qui a pour consĂ©quence la bienfaisance » 121. Ainsi, aimer quelqu’un et ĂȘtre bienveillant envers lui signifient la mĂȘme chose. 403 ERROR The Amazon CloudFront distribution is configured to block access from your country. We can't connect to the server for this app or website at this time. There might be too much traffic or a configuration error. Try again later, or contact the app or website owner. If you provide content to customers through CloudFront, you can find steps to troubleshoot and help prevent this error by reviewing the CloudFront documentation. Generated by cloudfront CloudFront Request ID A3xIzOFPoPAFw0vKbgogJ_QmdA7xSFNjAACxYh69y59XA30h645Wjg==

LidĂ©e de devoir est insĂ©parable de celle de droits : un devoir est ce qui, dans un ĂȘtre, correspond aux droits d’un autre. LĂ  oĂč il n’y a pas de droits, il n’y a pas de devoirs.

ï»żIntroduction Avoir des devoirs » est une expression courante qui implique la prĂ©sence d’un sujet Ă  l’égard duquel nous sommes engagĂ©s. Il est frĂ©quent de penser que nos obligations ont pour destinataire autrui, notre semblable. Cette idĂ©e commune est sensĂ©e. La vie sociale implique des relations qui ne peuvent fonctionner qu’à la condition d’ĂȘtre organisĂ©es par des lois et intĂ©riorisĂ©es par chacun sous la forme de devoirs. Être honnĂȘte, ĂȘtre respectueux, sont des valeurs reconnues pour justes. Est-ce lĂ  la totalitĂ© de nos devoirs ? Nous parlons aussi de devoirs envers Dieu, l’État, et parfois mĂȘme les animaux et la nature. Y a-t-il un caractĂšre commun Ă  ces divers exemples ? Enfin, le devoir semble avoir une valeur rĂ©flexive au sens oĂč il s’adresse aussi Ă  nous-mĂȘmes. Ce point peut paraĂźtre curieux car il signifie que nous nous devons quelque chose. N’est-ce pas abusif et dangereux pour notre libertĂ© ? Pouvons-nous cependant sĂ©parer autrui de ce que nous sommes, si autrui est l’ autre moi » ? 1. Aux sources du devoir A. La dette Devoir » vient du verbe latin debere qui signifie avoir une dette ». Dans ses Ă©tudes sur le droit ancien, Louis Gernet nous apprend que le devoir, debitum, dĂ©signait la satisfaction que le dĂ©biteur Ă©tait tenu de fournir Ă  son crĂ©ancier. Avoir des devoirs serait donc ĂȘtre endettĂ©, et faire son devoir, honorer sa dette. Lorsque je suis redevable Ă  quelqu’un, il dispose ainsi d’un droit sur moi, et je suis son obligĂ©. L’obligation est la marque d’une dĂ©pendance reconnue. Je suis tenu de faire quelque chose envers une autre personne, Ă©tant donnĂ© une situation antĂ©rieure. Gernet indique aussi que c’est le premier sens de l’engagement. Si l’époque moderne nous a habituĂ© Ă  le concevoir, avec Sartre, comme l’action d’une libertĂ© qui dĂ©cide souverainement d’orienter son existence, il faut savoir qu’à l’origine, ce terme dĂ©signait l’état de celui qui doit acquitter le prix de sa dette. Il arrivait mĂȘme que l’on fĂ»t rĂ©duit Ă  l’esclavage faute de n’avoir pu payer ce que l’on devait. On engageait jusqu’à sa libertĂ©. B. Obligation et contrainte Ce passage par les sources archaĂŻques du devoir peut d’abord expliquer que l’opinion confonde si souvent l’obligation et la contrainte. Le cas de l’esclavage est assez parlant. Il importe cependant de faire des distinctions conceptuelles. La contrainte dĂ©signe l’action d’une force non reconnue par notre volontĂ©. Rousseau, dans le Contrat social, l’illustre par l’exemple d’un brigand me menaçant de son pistolet. Si je lui cĂšde en lui donnant mon argent, les mobiles de mon acte seront la crainte et la prudence. Ce ne sera donc pas un devoir. Rousseau distingue ainsi nettement deux façons d’obĂ©ir. L’obligation est une maniĂšre d’obĂ©ir fondĂ©e sur le sentiment que la chose doit ĂȘtre faite parce qu’elle est juste. Je me sens en conscience » tenu d’accomplir ce qui est demandĂ©. Nous retrouvons l’idĂ©e d’un dĂ» Ă  acquitter. Par exemple, aller voir un parent ĂągĂ© et devenu dĂ©sagrĂ©able est un devoir. Nous savons que nous lui devons cette visite compte tenu de ce qu’il a fait pour nous autrefois. Que cela ne nous plaise pas n’est pas une raison suffisante pour assimiler cette obligation Ă  la menace d’un malfaiteur ou d’un plus fort qui nous intimide. Le devoir n’a pas pour fondement l’agrĂ©able mais le bien. Ces points sont fondamentaux car ils expliquent pourquoi on parle de devoirs civiques ou religieux. Un croyant pense tenir sa vie de Dieu. Il est donc juste qu’il l’honore et obĂ©isse Ă  ses commandements. Un citoyen est le membre d’un État qui lui assure des droits. Il doit donc respecter ses lois. [Transition] Nous avons distinguĂ© la contrainte de l’obligation, mais pourquoi donner une place particuliĂšre Ă  autrui ? 2. Quel visage pour autrui ? A. L’associĂ© Il est temps de prĂ©ciser la figure d’autrui. Nous avons dit qu’il s’agit du semblable. Cette figure unit les dĂ©terminations du mĂȘme et de l’autre. Autrui dĂ©signe l’altĂ©ritĂ© alter signifie autre » mais sur le fond d’une communautĂ©, voire d’une identitĂ©. Il est un sujet pensant comme moi. Nous n’employons pas le mot autrui » pour dĂ©signer un animal et les croyants n’utilisent pas non plus ce terme pour parler de Dieu car ce serait lui faire perdre sa transcendance. Le sujet tient pour Ă©vident que nous avons des devoirs envers autrui. Quelle en est la raison ? En tant que semblable, autrui peut ĂȘtre vu d’au moins deux façons. Il est celui avec qui je coopĂšre au sein d’un groupe. Autrui est le socius, l’associĂ©, le partenaire rencontrĂ© Ă  travers le tissu des relations dont l’ensemble forme la sociĂ©tĂ© civile. Dans ce cas, il est juste que mes relations avec lui incluent des devoirs. Ces obligations sont d’ordre juridique. Pensons par exemple au domaine des contrats qui rĂšglent les Ă©changes. Le contrat n’est pas une contrainte car il a pour point de dĂ©part la volontĂ© de celui qui s’engage. Nous devons effectuer certaines opĂ©rations, et autrui s’engage, de son cĂŽtĂ©, Ă  en accomplir. Cette rĂ©ciprocitĂ© librement consentie et dont les clauses sont clairement dĂ©finies est une expression de la justice. Le droit positif, c’est-Ă -dire en vigueur dans une sociĂ©tĂ© donnĂ©e, prescrit ce qui est Ă  faire tout en garantissant Ă  chacun la protection de sa libertĂ©. Le sens commun apprĂ©hende cette vĂ©ritĂ© en disant que les devoirs ne vont pas sans les droits. Avoir des devoirs envers autrui ne signifie pas ĂȘtre son esclave. B. Le prochain Le droit est une dimension importante puisqu’il organise la vie sociale mais il ne suffit pas Ă  traiter complĂštement notre point. Autrui m’engage aussi pour des raisons proprement morales. Cet engagement met en jeu plusieurs statuts. D’un point de vue religieux, l’alter ego peut avoir le visage du prochain, dont Paul RicƓur a montrĂ© qu’il n’est pas le suivant » mais celui dont je dois me faire proche lorsque je le vois en danger ou en souffrance. Tel est le sens de la parabole du Bon Samaritain. Ce dernier secourt sans hĂ©siter l’inconnu qui gĂźt dans le fossĂ© aprĂšs avoir Ă©tĂ© agressĂ©. Sa bontĂ© fait honte au prĂȘtre et au lĂ©vite qui l’avaient prĂ©cĂ©dĂ©. Ces deux hommes sont restĂ©s prisonniers de leur charge sociale quand le Samaritain a su voir son semblable dans l’individu molestĂ©. Tout autre est donc virtuellement mon prochain. La morale chrĂ©tienne fait ainsi de la charitĂ© un devoir inconditionnĂ©. Nos morales rationnelles en portent la trace en parlant d’une obligation d’assistance ou d’intervention. Autrui n’est pas seulement une personne abstraite que je rencontre Ă  travers le prisme des relations socioprofessionnelles, mais un ĂȘtre de chair et de sang, une prĂ©sence qui m’oblige. L’intĂ©rĂȘt de cette rĂ©fĂ©rence est de lier la morale Ă  l’idĂ©e d’universalitĂ©. Le droit est celui d’une sociĂ©tĂ© particuliĂšre, mĂȘme s’il est possible de trouver des points communs. La morale du devoir entend lĂ©gifĂ©rer au nom de valeurs universelles. On retrouve ce thĂšme chez Hegel, lorsqu’il dĂ©clare, dans sa PropĂ©deutique philosophique, que le premier des devoirs envers autrui est la vĂ©racitĂ© de la parole et de la conduite. » Cette affirmation n’est pas nouvelle. Ne pas mentir, ne pas faire de fausses promesses ou de faux tĂ©moignages font partie des commandements les plus anciens. Promettre sans tenir, c’est abuser de la bonne foi de l’autre et lĂ©ser la confiance qui doit exister entre des semblables. Le menteur se sert des mots comme le faux-monnayeur de piĂšces falsifiĂ©es. C’est un acte grave. Pensons Ă  l’importance du serment. Jurer est un acte solennel. Gernet rappelle que ce moment Ă©tait entourĂ© autrefois par des rituels imposants, comme des sacrifices d’animaux, afin de garantir la droiture de celui qui s’engageait. La parole est au principe des Ă©changes, des contrats, elle est le propre de l’homme en tant qu’il est cet animal capable de promettre » selon le mot de Nietzsche. Il est clair que sa puissance nous oblige envers autrui. [Transition] Le droit et la morale montrent que nous avons des devoirs envers notre semblable. Mais avons-nous d’autres devoirs ? 3. L’idĂ©e d’humanitĂ© A. Le cas des ĂȘtres naturels Il n’est pas difficile d’énumĂ©rer des cas de figure qui paraissent rĂ©pondre Ă  la question. Prenons par exemple le cas aujourd’hui si discutĂ© de notre rapport aux animaux. Certains leur attribuent des droits, ce qui nous donne des devoirs envers eux. L’animal n’est cependant pas une personne. N’ayant pas de volontĂ© par laquelle il peut se dĂ©terminer librement, il est lĂ©gitime de l’acheter et de le vendre. Nous pouvons lui imposer nos buts sans commettre d’injustice. La justification de la thĂšse qui lui reconnaĂźt des droits se situe donc Ă  un autre niveau celui de la sensibilitĂ©. Rousseau le dit dĂ©jĂ  dans son Discours sur l’origine et les fondements de l’inĂ©galitĂ© parmi les hommes. Nous avons en commun avec les bĂȘtes la capacitĂ© de souffrir. Il faut donc se retenir de les faire souffrir inutilement. Remarquons toutefois que la relation est dĂ©sĂ©quilibrĂ©e. Les animaux ne peuvent revendiquer des droits dont ils n’ont pas l’idĂ©e. Ils n’ont pas non plus de devoirs envers nous. C’est donc nous qui nous limitons en vertu d’un sens moral que Rousseau nomme la pitiĂ©. Dans son ouvrage Le Principe ResponsabilitĂ©, Hans Jonas dĂ©fend la thĂšse selon laquelle pouvoir oblige » afin d’inciter les hommes d’aujourd’hui Ă  ne rien faire qui puisse compromettre l’existence dĂ©cente des gĂ©nĂ©rations futures. La nature doit ĂȘtre prĂ©servĂ©e de façon Ă  ce que nos successeurs lointains puissent y vivre humainement. Ce thĂšme renverse le sens traditionnel de la responsabilitĂ©. Celui-ci concerne habituellement l’action faite. Or ici, il nous faut songer aux consĂ©quences possibles de nos actes sur des personnes que nous ne connaĂźtrons jamais. Nous devons penser Ă  nos successeurs sans rien attendre d’eux en retour. Ainsi, il apparaĂźt que ce devoir de prĂ©servation par la limitation de notre puissance technologique a pour raison d’ĂȘtre l’attention Ă  l’égard d’autrui. La nature n’est pas un sujet de droit, elle est concernĂ©e dans la mesure oĂč elle constitue notre biotope. B. Autrui et soi le lien Ă  l’universel L’analyse de Jonas montre bien que l’idĂ©e d’humanitĂ© est le fondement du devoir. Nous voyons par lĂ  que l’idĂ©e de devoir implique une prĂ©sence de l’universel. La religion chrĂ©tienne l’indique par le thĂšme du prochain. Kant le souligne en se fondant sur une loi de la raison affirmant que l’attitude morale consiste Ă  se demander si la maxime, ou rĂšgle particuliĂšre de sa propre action, peut devenir le principe d’une loi pour tous. Il faut Ă©lever sa pensĂ©e au-delĂ  de son intĂ©rĂȘt particulier et s’efforcer de se mettre Ă  la place de tout autre. Nous voyons ainsi que les devoirs envers autrui impliquent des obligations envers soi. C’est en ce sens que Hegel dĂ©clare que le premier devoir envers soi est de se former, de travailler Ă  perfectionner sa raison, de façon Ă  pouvoir saisir ce qui importe vĂ©ritablement. L’homme bornĂ© ou grossier ne voit que son intĂ©rĂȘt quand l’individu cultivĂ© est capable de considĂ©rer ce qui se prĂ©sente sous plusieurs points de vue et, dans cette variation, de dĂ©gager l’essentiel. Le lien nĂ©cessaire entre soi et autrui est manifeste dans le second impĂ©ratif de la morale kantienne Agis de telle sorte que tu traites l’humanitĂ© dans ta personne comme dans la personne d’autrui, toujours en mĂȘme temps comme fin, jamais simplement comme moyen. » Ce commandement interdit de relĂ©guer autrui au rang d’un simple instrument de nos dĂ©sirs. Il exige que nous le respections mĂȘme quand nous lui demandons un service. Mais notons que Kant commence par inviter chacun Ă  ne pas se traiter soi-mĂȘme comme une chose. Ce point est essentiel car il montre que sans respect de soi, les relations aux autres sont forcĂ©ment perverties. Un ĂȘtre qui mĂ©prise sa qualitĂ© de sujet pensant dotĂ© de volontĂ© et de responsabilitĂ© aura envers autrui une attitude vicieuse, pleine de fausse humilitĂ© et de dĂ©sir de domination. DostoĂŻevski a tracĂ© dans les FrĂšres Karamazov, le portrait d’un pĂšre effrayant, malin et dĂ©bauchĂ©, incapable de rectitude morale. L’estime raisonnable de soi est la condition de justes rapports aux autres, y compris dans les relations intimes. Conclusion Ce sujet nous a amenĂ© Ă  Ă©claircir la notion de devoir et Ă  reconnaĂźtre son lien fondamental Ă  celle d’autrui. Son traitement culmine dans la notion d’humanitĂ©, qu’elle soit pensĂ©e religieusement le prochain, ou qu’elle Ă©mane d’une loi de la raison. Il n’est toutefois pas lĂ©gitime de considĂ©rer que nous n’avons d’obligations qu’envers nos semblables dans le cadre de relations morales ou juridiques. Les devoirs envers autrui sont insĂ©parables des devoirs envers soi. La reconnaissance mutuelle n’est possible que si chacun se reconnaĂźt aussi comme une personne. monkey d. alex, 2017 source
Ledevoir obĂ©it Ă  la logique de la justice commutative, un prĂȘtĂ© pour un rendu : si je fais mon devoir envers l’autre, c’est parce qu’il l’a fait auparavant envers moi. Ainsi on peut Ă  partir de lĂ  que faire son devoir implique forcĂ©ment autrui et donc que mĂȘme s’il ne suppose pas d’attendre quelque chose en retour il implique une certaine rĂ©ciprocitĂ© dans les droits et 403 ERROR The Amazon CloudFront distribution is configured to block access from your country. We can't connect to the server for this app or website at this time. There might be too much traffic or a configuration error. Try again later, or contact the app or website owner. If you provide content to customers through CloudFront, you can find steps to troubleshoot and help prevent this error by reviewing the CloudFront documentation. Generated by cloudfront CloudFront Request ID Ijb-PS2DoELPxZJaKOACOcccnM2tL8WcW2iD-RPQi3_ocXHwJbzuMw==
Desdevoirs qu’envers autrui A. Autrui, mon semblable Le devoir peut ĂȘtre considĂ©rĂ© comme une obligation et doit ĂȘtre mis au profit de ma libertĂ©. Ainsi, pourquoi avons-nous des devoirs envers autrui ? Autrui est une personne au mĂȘme titre que moi, avec les mĂȘmes besoins, les mĂȘmes sentiments, la mĂȘme libertĂ© DĂšs lors, si autrui dispose de la mĂȘme libertĂ© que moi,
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Parmiles devoirs particuliers envers autrui, le premier est la vĂ©racitĂ© de la parole et de la conduite. Elle consiste dans la conformitĂ© entre ce qui est et dont on a conscience et ce que l'on dit et montre aux autres. - Georg Wilhelm Friedrich Hegel. SĂ©vĂ©ritĂ© bien ordonnĂ©e commence envers soi-mĂȘme. - Pierre Reverdy.

RĂ©sumĂ© Index Plan Texte Notes Citation Auteur RĂ©sumĂ©s Dans son livre Protecting the Vulnerable, Robert Goodin dĂ©fend la thĂšse de l’existence d’une responsabilitĂ© Ă  l’égard de toutes les personnes vulnĂ©rables. L’intention de ce texte est de montrer comment il fonde cette responsabilitĂ© dans une thĂ©orie libĂ©rale des devoirs. La premiĂšre partie expose l’argumentation par laquelle Goodin Ă©tablit que la teneur normative des devoirs moraux ne rĂ©side pas dans la volontĂ©, mais dans la vulnĂ©rabilitĂ© des personnes. La deuxiĂšme partie prĂ©sente les grandes lignes de son Principe de protection des personnes vulnĂ©rables. La troisiĂšme partie argue que l’État est le premier responsable dans la protection des personnes vulnĂ©rables, car c’est lui qui possĂšde le pouvoir d’action pour prĂ©venir les relations d’exploitation qui causent la vulnĂ©rabilitĂ© moralement problĂ©matique. La quatriĂšme partie prĂ©sente trois raisons qui mettent en lumiĂšre l’intĂ©rĂȘt actuel de la contribution de Goodin. In his book Protecting the Vulnerable, Robert Goodin argues that there exists a responsibility towards all vulnerable people. The intention of this text is to show how he bases this responsibility on a liberal theory of duties. The first part explains Goodin’s argument that the normative content of moral duties does not lie in the will, but in the vulnerability of people. The second part outlines the Principle of Protection of Vulnerable People. The third part argues that the State is primarily responsible for protecting vulnerable people, because it has the power to prevent exploitative relationships that cause morally problematic vulnerability. The fourth part presents three reasons that highlight the current interest of Goodin’s de page EntrĂ©es d'index Haut de page Texte intĂ©gral 1 C’est notamment ce que fait valoir BrenĂ© Brown dans Le Pouvoir de la vulnĂ©rabilitĂ© la vulnĂ©rabil ... 1Souffrance et vulnĂ©rabilitĂ© semblent aller de pair. La vulnĂ©rabilitĂ©, c’est la possibilitĂ© d’ĂȘtre blessĂ©, donc de souffrir ; ce qui inscrit la vulnĂ©rabilitĂ© dans le registre des maux. En mĂȘme temps, notre propre vulnĂ©rabilitĂ© peut aussi ĂȘtre pensĂ©e comme la condition de la sensibilitĂ© Ă  l’égard de celle d’autrui et le berceau » de l’amour, de l’empathie et du courage1 ; ce qui fait de la vulnĂ©rabilitĂ© une caractĂ©ristique humaine dĂ©sirable et mĂȘme essentielle. Pour les philosophes Paul RicƓur, Emmanuel Levinas et Hans Jonas, la vulnĂ©rabilitĂ© est d’abord et avant tout un appel Ă  la responsabilitĂ© Ă  l’égard de la souffrance actuelle ou potentielle d’autrui ; elle s’impose dĂšs lors comme une catĂ©gorie ou un critĂšre moral fondamental et incontournable. 2 C. Mackenzie – W. Rogers – S. Dodds, Introduction What is Vulnerability, and Why Does it Matter ... 3 Mackenzie – Rogers – Dodds, Introduction », p. 7. 4 Mackenzie – Rogers – Dodds, Introduction », p. 7. 2La vulnĂ©rabilitĂ© est non seulement une caractĂ©ristique humaine, elle est le trait distinctif de tout le vivant. En tant qu’ĂȘtres finis, les ĂȘtres vivants sont par essence vulnĂ©rables. Chez l’ĂȘtre humain toutefois, cette vulnĂ©rabilitĂ© ontologique vient non seulement de sa constitution physique et biologique et des besoins matĂ©riels qui y sont attachĂ©s, mais du fait qu’il est un ĂȘtre affectif et social, dĂ©pendant d’autrui et vulnĂ©rable Ă  la nĂ©gligence et aux abus, Ă  l’humiliation, Ă  la discrimination, au deuil, Cette vulnĂ©rabilitĂ©, intrinsĂšque Ă  la condition humaine, Catriona Mackenzie, Wendy Rogers et Susan Dodds la nomment inhĂ©rente » et la distinguent de ce qu’elles appellent la vulnĂ©rabilitĂ© situationnelle »3 ou la vulnĂ©rabilitĂ© due Ă  un contexte spĂ©cifique » ; c’est-Ă -dire celle qui est causĂ©e ou exacerbĂ©e par les situations personnelles, sociales, politiques, Ă©conomiques ou environnementales des individus et des groupes sociaux4 ». 5 Je classe Hans Jonas Ă  part. Il se soucie de la vulnĂ©rabilitĂ© accrue qui vient de l’accroissement ... 3À la diffĂ©rence de celle sur laquelle portent les rĂ©flexions de RicƓur et de Levinas5, c’est Ă  cette vulnĂ©rabilitĂ© situationnelle que s’intĂ©ressent ce qu’il est maintenant convenu d’appeler les Ă©thiques de la vulnĂ©rabilitĂ©, portĂ©es principalement — du moins dans le monde anglo-saxon — par des thĂ©oriciennes fĂ©ministes. Ces Ă©thiques sont prĂ©occupĂ©es par la vulnĂ©rabilitĂ© qui rĂ©sulte d’injustices d’origine humaine, la vulnĂ©rabilitĂ© qui n’a pas Ă  ĂȘtre, qui peut ĂȘtre Ă©vitĂ©e et contre laquelle on peut agir. 6 H. Thomas, Les vulnĂ©rables. La dĂ©mocratie contre les pauvres Terra, Bellecombe-en-Bauges Savoie ... 7 L. Burgorgue Larsen, La vulnĂ©rabilitĂ© saisie par les juges en Europe Cahiers europĂ©ens 7, Paris, ... 4L’intĂ©rĂȘt croissant pour la vulnĂ©rabilitĂ© injuste » ne se limite pas Ă  la thĂ©orie Ă©thique, mais s’étend Ă  une diversitĂ© de domaines et de disciplines. La notion de groupes vulnĂ©rables, omniprĂ©sente en santĂ© publique et dans les sciences sociales, se dĂ©cline en une multitude de sous-groupes enfants et adolescents, majeurs inaptes, personnes ĂągĂ©es, travailleurs et travailleuses du sexe, consommateurs, travailleurs sociaux ou travailleurs du care, minoritĂ©s nationales, groupes marginalisĂ©s, pauvres, classe moyenne, enfants soldats, etc. Dans les pratiques d’accompagnement et d’intervention, pensĂ©es par dĂ©finition en fonction des personnes ou des groupes vulnĂ©rables, la rĂ©flexion et la recherche sur les implications du recours Ă  cette notion prennent lĂ  aussi une place grandissante. On constate quelque chose de similaire dans les milieux d’affaires et le monde des organisations ainsi que dans la dĂ©finition des politiques sociales nationales et internationales6. D’aucuns parlent d’ailleurs de Vulnerability Turn »7 pour rendre compte de l’explosion du nombre de travaux qui convoquent la notion de vulnĂ©rabilitĂ© pour repenser les rapports des ĂȘtres humains entre eux, leurs rapports Ă  l’environnement, ainsi que les implications normatives qui en dĂ©coulent pour les individus, les groupes et les États. 5Du cĂŽtĂ© de la philosophie morale, la notion de vulnĂ©rabilitĂ© structure un modĂšle Ă©thique qui s’oppose aux Ă©thiques modernes libĂ©rales, dĂ©ontologiques et utilitaristes. De maniĂšre plus gĂ©nĂ©rale, ce modĂšle s’oppose Ă  l’éthique pensĂ©e en termes de justice et de droits, d’autonomie et d’autodĂ©termination du sujet moral, de responsabilitĂ© symĂ©trique et de rĂ©ciprocitĂ© — ce qu’on appelle les Ă©thiques de justice. En postulant une Ă©quivalence entre autonomie et dignitĂ© morale, celles-ci seraient insuffisantes pour garantir la dignitĂ© des personnes. Non seulement elles peinent Ă  dĂ©finir le statut moral des ĂȘtres non autonomes embryon et fƓtus, environnement, animaux, gĂ©nĂ©rations futures, etc., mais elles se limitent ou ne s’appliquent qu’à une sphĂšre exiguĂ« des relations et des activitĂ©s humaines. Une contribution importante des Ă©thiques de la vulnĂ©rabilitĂ© a donc Ă©tĂ© de revoir l’anthropologie philosophique dominante qui pense l’ĂȘtre humain en termes d’autonomie, pour la remplacer — ou plutĂŽt la complĂ©ter — par une conception de l’humain comme ĂȘtre vulnĂ©rable qui, malgrĂ© sa condition de vulnĂ©rabilitĂ©, aspire Ă  l’autonomie. Elles ont rendu visible dans la thĂ©orie Ă©thique ce qui ne l’était pas auparavant la vulnĂ©rabilitĂ© et pris en compte le fait que tous les projets de vie ne peuvent pas s’inscrire dans une visĂ©e d’autonomie ceux des handicapĂ©s graves, des personnes en fin de vie, etc. Un autre apport significatif des Ă©thiques de la vulnĂ©rabilitĂ© a Ă©tĂ© d’éclairer les causes structurelles, de nature sociale et politique, des injustices que subissent les groupes et les personnes vulnĂ©rables, contribuant ainsi Ă  mieux dĂ©finir les conditions d’une dignitĂ© concrĂšte. 6Enfin, parce qu’elles pensent l’éthique en termes de relations plutĂŽt que sous l’angle des intĂ©rĂȘts individuels, les Ă©thiques de la vulnĂ©rabilitĂ© seraient plus aptes que les Ă©thiques de justice Ă  relever les dĂ©fis Ă©thiques contemporains impliquant des personnes et des communautĂ©s en situations de vulnĂ©rabilitĂ©, ainsi que des ĂȘtres non autonomes et non responsables. Aussi, le concept de vulnĂ©rabilitĂ© structure-t-il plusieurs des rĂ©flexions en Ă©thique du care, en thĂ©orie juridique fĂ©ministe, en thĂ©orie politique du care et en Ă©thique de l’environnement. Ces travaux visent Ă  faire de la vulnĂ©rabilitĂ© un concept central en Ă©thique. 8 R. E. Goodin, Protecting the Vulnerable. A Reanalysis of our Social Responsibilities, Chicago, Uni ... 9 L’expression vulnĂ©rabilitĂ© moralement problĂ©matique » dĂ©signe les formes ou les situations de vu ... 10 Les Ă©thiques du care et certaines Ă©thiques de la vulnĂ©rabilitĂ© insistent sur la proximitĂ© et la na ... 7En raison de la critique qu’elles dĂ©ploient, les Ă©thiques de vulnĂ©rabilitĂ© s’inscrivent donc dans un rapport d’opposition avec les Ă©thiques de justice. Toutefois, bien qu’elles aient accompli dans les derniĂšres annĂ©es un travail colossal autour de l’analyse du concept de vulnĂ©rabilitĂ©, elles butent sur le problĂšme de sa teneur normative et du fondement de l’obligation morale qui en dĂ©coulerait. C’est prĂ©cisĂ©ment Ă  ce problĂšme que s’attaque Robert Goodin dans son livre Protecting the Vulnerable8 dont l’objectif est de fonder une responsabilitĂ© sociale et collective Ă  l’égard des personnes et des groupes vulnĂ©rables, dans les devoirs habituellement reconnus dans la pensĂ©e libĂ©rale. Le livre de Goodin est la premiĂšre rĂ©flexion systĂ©matique sur la vulnĂ©rabilitĂ© moralement problĂ©matique9 et les obligations ou la responsabilitĂ© qu’elle gĂ©nĂšre. Goodin ne cherche pas Ă  fonder la responsabilitĂ© dans la vulnĂ©rabilitĂ©, mais plutĂŽt dans les devoirs que nous nous reconnaissons habituellement. Il dĂ©montre aussi pourquoi cette responsabilitĂ© ne vaut pas qu’à l’égard des personnes qui nous sont proches ou avec qui nous sommes en relation10, mais qu’elle s’étend Ă  toutes les personnes et groupes vulnĂ©rables, et peut-ĂȘtre aussi Ă  d’autres ĂȘtres ou objets tels que les animaux, l’environnement, les gĂ©nĂ©rations futures, les paysages, etc. Ce faisant, il fournit aux Ă©thiques de la vulnĂ©rabilitĂ© un fondement qu’elles tardent Ă  reconnaĂźtre comme valable. 8L’objectif de ce texte est de rappeler l’importance de la contribution en philosophie morale de Robert Goodin Ă  la rĂ©flexion sur la vulnĂ©rabilitĂ©, que les travaux plus rĂ©cents menĂ©s par les Ă©thiciennes du care et les thĂ©oriciennes fĂ©ministes ont dĂ©prĂ©ciĂ©e ou mise de cĂŽtĂ©. La thĂšse que dĂ©fend Goodin est que nous avons, individuellement et collectivement, des responsabilitĂ©s fortes Ă  l’égard d’un large Ă©ventail de personnes, et non seulement Ă  l’égard de celles qui nous sont proches ou envers qui nous nous engageons volontairement. Nous avons des responsabilitĂ©s fortes envers toutes les personnes qui sont vulnĂ©rables Ă  l’égard de nos actions et de nos choix. 9La premiĂšre partie de ce texte prĂ©sente l’analyse des devoirs menĂ©es par Goodin, qui lui sert Ă  montrer que la teneur normative des devoirs moraux — le fondement de l’obligation morale — ne rĂ©side pas dans la volontĂ©, mais dans la vulnĂ©rabilitĂ© des personnes. La vulnĂ©rabilitĂ© engendrerait une obligation morale, une responsabilitĂ©, que Goodin Ă©nonce sous la forme d’un principe — le Principe de protection des personnes vulnĂ©rables — qui se dĂ©cline en trois principes de responsabilitĂ©. La deuxiĂšme partie de ce texte prĂ©sente les grandes lignes du Principe de protection des personnes vulnĂ©rables et ses trois variations. Ce principe fait de l’État le destinataire principal de la responsabilitĂ© ou du devoir moral car c’est lui qui possĂšde le pouvoir d’action le plus efficace pour prĂ©venir les torts auxquels sont exposĂ©es les personnes. L’État a un pouvoir important pour prĂ©venir plus particuliĂšrement la vulnĂ©rabilitĂ© qui dĂ©coule des relations d’exploitation. C’est ce qui fait l’objet, briĂšvement, de la troisiĂšme partie. Enfin, la quatriĂšme partie fait ressortir trois raisons qui mettent en lumiĂšre l’intĂ©rĂȘt actuel de la contribution de Goodin. I. La vulnĂ©rabilitĂ© comme source des devoirs moraux 11 Voir n. ci-dessus. 10Dans leur texte introductif Ă  Vulnerability. New Essays in Ethics and Feminist Philosophy, Catriona Mackenzie, Wendy Rogers et Susan Dodds11 estiment qu’une Ă©thique ou une thĂ©orie de la vulnĂ©rabilitĂ© devrait pouvoir rĂ©pondre Ă  quatre questions qu’est-ce que la vulnĂ©rabilitĂ© ? pourquoi la vulnĂ©rabilitĂ© gĂ©nĂšre-t-elle des obligations morales et des devoirs de justice ? Ă  qui revient la responsabilitĂ© premiĂšre de rĂ©pondre Ă  la vulnĂ©rabilitĂ© ? de quelle maniĂšre s’acquitter le mieux de nos obligations envers les personnes vulnĂ©rables ? 12 Plusieurs des critiques faites Ă  Goodin par les thĂ©oriciennes fĂ©ministes porteront d’ailleurs sur ... 11L’ouvrage de Goodin rĂ©pond beaucoup trop rapidement et de maniĂšre incomplĂšte Ă  la premiĂšre question — j’y reviendrai plus loin12. Mais il apporte une rĂ©ponse plus solide et mieux Ă©tayĂ©e Ă  la deuxiĂšme et Ă  la troisiĂšme questions. La thĂšse de Goodin part d’une intuition morale nous nous reconnaissons des devoirs particuliers Ă  l’égard de ceux qui nous sont proches famille, amis, concitoyens et contractants de mĂȘme qu’à l’égard de ceux envers qui nous nous sommes engagĂ©s. Nous considĂ©rons aussi que ces devoirs particuliers constituent des revendications morales fortes qui surpassent tout devoir gĂ©nĂ©ral positif d’aider autrui les rĂ©fugiĂ©s syriens ou africains, par exemple. C’est sur ce dernier point que notre intuition nous trompe, selon Goodin, pour qui les devoirs particuliers ne seraient pas, en fait, si particuliers. Pourquoi ? Parce que ces devoirs n’ont pas leur source dans un engagement volontaire de notre part, mais plutĂŽt dans la vulnĂ©rabilitĂ© d’autrui. Or, si la vulnĂ©rabilitĂ© est la source de nos obligations particuliĂšres, il n’y a pas de raison pour qu’elle n’entraĂźne pas aussi des devoirs plus larges, Ă  l’égard de toutes les personnes vulnĂ©rables et non seulement Ă  l’égard de celles avec qui nous avons des relations particuliĂšres. Nos obligations positives envers les autres en gĂ©nĂ©ral — les devoirs gĂ©nĂ©raux positifs — auraient donc la mĂȘme force morale que nos devoirs particuliers, c’est-Ă -dire la mĂȘme force morale que les devoirs qui dĂ©coulent de nos engagements volontaires. 12Pour bien saisir l’argumentation de Goodin, il est utile de revoir avec lui les quatre types de devoirs moraux que l’on retrouve dans la philosophie des droits. Le schĂ©ma suivant indique l’ordre de prioritĂ© de ces types de devoirs sur le plan normatif. Les devoirs de la catĂ©gorie 1 sont les plus contraignants et ceux de la catĂ©gorie 4, les moins contraignants. Devoirs nĂ©gatifs Devoirs positifs Devoirs gĂ©nĂ©raux 1 4 Devoirs particuliers 2 3 13Les devoirs gĂ©nĂ©raux concernent tous les ĂȘtres humains pris de maniĂšre gĂ©nĂ©rale, alors que les devoirs particuliers concernant certaines personnes prises singuliĂšrement, des proches ou les membres de groupes particuliers. Les devoirs nĂ©gatifs sont des devoirs d’abstention ne pas faire de tort Ă  autrui, devoirs de non nuisance ou de non malfaisance alors que les devoirs positifs sont des devoirs de faire quelque chose. 13 Goodin, Protecting the Vulnerable, p. 22. 14 Goodin, Protecting the Vulnerable, p. 20. 15 Cette intuition morale a Ă©tĂ© maintes fois confirmĂ©e en philosophie morale expĂ©rimentale en soumett ... 14Dans la littĂ©rature philosophique de tradition libĂ©rale, le devoir nĂ©gatif de ne pas causer de tort aux autres en gĂ©nĂ©ral 1 est toujours prioritaire par rapport Ă  n’importe quel devoir positif d’aider les autres en particulier 313. Les devoirs gĂ©nĂ©raux nĂ©gatifs 1 sont donc plus stricts et contraignants que les devoirs positifs. C’est pourquoi ils sont renforcĂ©s par des lois, ce qui n’est habituellement pas le cas des seconds. Par exemple, le devoir de ne pas envoyer de nourriture empoisonnĂ©e aux pauvres des pays qui ont besoin d’assistance devoir gĂ©nĂ©ral nĂ©gatif est plus contraignant que le devoir de leur envoyer de la nourriture devoir gĂ©nĂ©ral positif14. L’intuition morale sous-jacente est qu’il est pire de faire du tort Ă  quelqu’un que de refuser de l’aider15. 15Pour ce qui est des devoirs particuliers, aucune prioritĂ© ne s’applique les devoirs des catĂ©gories 2 et 3 sont Ă©gaux. Dans le cadre des relations interpersonnelles ou contractuelles, il est aussi blĂąmable de ne pas s’acquitter de ses obligations positives que d’agir en portant prĂ©judice Ă  quelqu’un. Mais ces deux types de devoirs pĂšsent davantage que les devoirs positifs d’aider autrui en gĂ©nĂ©ral 4, bien que, prĂ©cise Goodin, on reconnaisse des exceptions qui prennent en compte le degrĂ© du tort en cause. De maniĂšre gĂ©nĂ©rale, je devrai protĂ©ger mes enfants 3 avant de sauver des Ă©trangers 4, mais il peut ĂȘtre moins obligatoire de protĂ©ger mes enfants d’un tort mineur 3 que de sauver la vie d’un Ă©tranger 4. 16 Goodin, Protecting the Vulnerable, p. 26-27. 16Ayant rappelĂ© cette hiĂ©rarchie des types de devoirs moraux, Goodin examine les mauvaises raisons pour lesquelles les devoirs gĂ©nĂ©raux positifs 4 sont considĂ©rĂ©s comme surĂ©rogatoires et non contraignants. Il veut montrer que rien ne justifie qu’ils soient systĂ©matiquement supplantĂ©s par les devoirs particuliers 2 et 3 ; que les devoirs de type 4 ne sont pas, sur le plan de l’obligation, distincts des devoirs particuliers. À son avis, les considĂ©rations qui font que les devoirs de justice sont moralement contraignants — des considĂ©rations justement relatives Ă  la vulnĂ©rabilitĂ© particuliĂšre d’une personne vis-Ă -vis une autre — donnent lieu Ă©galement Ă  des devoirs de bienfaisance beaucoup plus Ă©tendus16 ». 17 Goodin, Protecting the Vulnerable, p. 33. 18 Goodin, Protecting the Vulnerable, p. 34. 17Pour ce faire, il attaque la thĂšse volontariste selon laquelle les devoirs particuliers sont moralement contraignants parce qu’ils sont le fait de la volontĂ© des individus. Le fait qu’on s’y soit volontairement engagĂ© ferait en sorte qu’ils deviennent prioritaires par rapport aux devoirs moraux gĂ©nĂ©raux 4. Or Goodin observe que la thĂšse volontariste ne s’applique pas Ă  tous les devoirs particuliers que nous nous reconnaissons habituellement. Par exemple, ce n’est pas parce que nous nous y sommes engagĂ©s que nous avons des obligations envers nos enfants, mais parce qu’ils sont dĂ©pendants de nous et totalement vulnĂ©rables Ă  notre Ă©gard17. C’est donc la dĂ©pendance et la vulnĂ©rabilitĂ© plutĂŽt que les actes volontaires de la volontĂ© qui fondent nos devoirs moraux les plus fondamentaux », ainsi que le fait d’ĂȘtre en position de faire quelque chose18. Cela est vrai pour nos obligations envers nos enfants, mais cela est vrai aussi, estime Goodin, pour toutes les obligations particuliĂšres. Ces obligations morales dĂ©coulent de la vulnĂ©rabilitĂ© de personnes Ă  l’égard de nos actions et de nos choix. 19 R. E. Flathman, Political Obligation Studies in Political Theory, New York, Atheneum, 1972, p. 2 ... 20 Goodin, Protecting the Vulnerable, p. 34. 18Goodin reprend ici l’exemple donnĂ© par Flathman Si A, sĂ©rieusement blessĂ©, ordonne Ă  B un parfait inconnu mais la seule personne prĂ©sente d’appeler une ambulance pour lui, ni la lĂ©gitimitĂ© de la requĂȘte de A, ni l’obligation d’obĂ©ir de B ne dĂ©pendent du consentement de B19. » La lĂ©gitimitĂ© de la requĂȘte de A et l’obligation de B d’y rĂ©pondre dĂ©coulent du fait que B est la seule personne en position d’aider » et que A est totalement dĂ©pendant de B. Dans de telles conditions, B a des responsabilitĂ©s particuliĂšres auxquelles il n’a pas consenti et qui ne sont pas endossĂ©es dans tous les sens du terme20 ». 21 Goodin, Protecting the Vulnerable, p. 34. 19Pour Goodin, c’est lĂ  le facteur crucial ce qui compte sur le plan de l’obligation, c’est la vulnĂ©rabilitĂ©. C’est le besoin dans lequel se trouve une personne et le fait d’ĂȘtre en position d’aider qui impose Ă  quelqu’un en particulier un tel devoir21. La thĂšse de Goodin est la suivante 22 Goodin, Protecting the Vulnerable, p. 35-36. Il existe bien des obligations particuliĂšres qui dĂ©coulent de nos engagements volontaires. Mais ce qui fait que ces obligations sont moralement contraignantes, Ă  mon avis, ce sont les vulnĂ©rabilitĂ©s que ces engagements engendrent ; et ces vulnĂ©rabilitĂ©s ne sont qu’une forme parmi d’autres de vulnĂ©rabilitĂ© Ă  laquelle nous devons rĂ©pondre moralement. Par consĂ©quent, le modĂšle de la vulnĂ©rabilitĂ© est un modĂšle plus gĂ©nĂ©ral, capable de subsumer et de transcender le modĂšle des obligations volontairement attribuĂ©es22. 23 Goodin, Protecting the Vulnerable, p. 44. 24 Goodin, Protecting the Vulnerable, p. 44. 20Pour mieux illustrer sa thĂšse, Goodin prend l’exemple de la promesse. Celle-ci est bien le fait d’un acte de la volontĂ©. Toutefois, ce n’est pas parce qu’elle est volontaire qu’elle est contraignante, mais parce qu’elle gĂ©nĂšre des attentes de la part d’autrui, des attentes qui rendent autrui dĂ©pendant par rapport Ă  celui qui a promis. Sur le plan moral, insiste Goodin, la promesse n’importe que parce que quelqu’un dĂ©pend de ce que l’on s’est engagĂ© Ă  faire. La personne Ă  qui elle est faite engage un plan de vie Ă  partir de cette promesse. Ainsi, ce qui est caractĂ©ristique dans la promesse, ce n’est pas qu’elle soit un acte volontaire, mais plutĂŽt qu’elle engendre des attentes qui configurent des Ă©lĂ©ments essentiels dans les plans que forment les autres23. Si la promesse entraĂźne des obligations particuliĂšres, c’est seulement parce que les autres comptent sur vous pour que vous vous en acquittiez. C’est leur vulnĂ©rabilitĂ©, beaucoup plus que n’importe quel acte de volontĂ©, qui explique la force morale de l’obligation de la promesse24. » 21Goodin analyse aussi d’autres formes d’obligations particuliĂšres telles que les obligations engagĂ©es par les contrats, celles qui concernent les relations d’affaire, les obligations liĂ©es Ă  l’éthique professionnelle, et les obligations envers la famille, les amis, les bienfaiteurs, pour montrer que son modĂšle fondĂ© sur la vulnĂ©rabilitĂ© justifie mieux les devoirs particuliers que le modĂšle volontariste. Dans tous ces types de situations, il Ă©tablit que l’obligation morale ne rĂ©side pas dans l’agent, mais provient de la vulnĂ©rabilitĂ©. Il en ressort que nous avons des responsabilitĂ©s fortes Ă  l’égard d’un large Ă©ventail de personnes individuellement ou collectivement et non seulement Ă  l’égard de celles envers qui nous nous engageons volontairement. Et que nous avons de telles responsabilitĂ©s envers toutes les personnes qui sont vulnĂ©rables Ă  l’égard de nos actions et de nos choix. Ce mĂȘme critĂšre fournira l’ancrage d’une responsabilitĂ© personnelle, internationale, intergĂ©nĂ©rationnelle et environnementale beaucoup plus large. II. Le principe de protection des personnes vulnĂ©rables 22Je l’ai Ă©voquĂ© plus haut, Goodin n’apporte pas une rĂ©ponse trĂšs Ă©tayĂ©e Ă  la question qu’est-ce que la vulnĂ©rabilitĂ© ? ». Il se contente d’une dĂ©finition gĂ©nĂ©rale qu’il emprunte Ă  l’Oxford Dictionary 25 Goodin, Protecting the Vulnerable, p. 110. Quelque chose est vulnĂ©rable s’il peut ĂȘtre blessĂ© wounded, soit littĂ©ralement, soit au figurĂ© ; s’il est susceptible de blessure, n’est pas Ă  l’épreuve des armes, de la critique, etc. [
] Sur le plan conceptuel, la vulnĂ©rabilitĂ© est essentiellement le fait d’ĂȘtre menacĂ© par un tort25 
 26 Sur cette question, voir le chapitre 4 de Goodin, Protecting the Vulnerable. 27 Pour en faire la liste, Goodin se rĂ©fĂšre librement et surtout Ă  titre d’exemple Ă  celle qu’en donn ... 28 Goodin, Protecting the Vulnerable, p. 111. 23Il suffit pour Goodin de dĂ©finir la vulnĂ©rabilitĂ© comme la possibilitĂ© d’ĂȘtre blessĂ©, de subir un tort, ou qu’un prĂ©judice soit causĂ© Ă  nos intĂ©rĂȘts. Un tort est dĂ©fini comme une atteinte au bien-ĂȘtre ou aux intĂ©rĂȘts moralement pertinents. Ceux-ci ne se restreignent pas aux intĂ©rĂȘts matĂ©riels ou physiques, mais aussi aux sentiments, donc au bien-ĂȘtre psychologique26. Les intĂ©rĂȘts moralement pertinents concernent les biens premiers27 ou les moyens nĂ©cessaires pour toute fin qu’une personne est en droit de choisir de poursuivre28 ». L’analyse conceptuelle peut s’arrĂȘter ici, Goodin dispose d’un concept suffisamment opĂ©ratoire, selon lui, pour dĂ©signer les situations auxquelles s’appliquent les devoirs moraux engendrĂ©s par la vulnĂ©rabilitĂ© des personnes. Il reste Ă  voir comment s’opĂ©rationnalise ce devoir, cette obligation de prĂ©venir ou d’empĂȘcher les torts, ou encore de venir au secours des personnes vulnĂ©rables ; cette responsabilitĂ© de protĂ©ger les personnes vulnĂ©rables. C’est ce en quoi consiste l’exposĂ© du Principe de protection des personnes vulnĂ©rables PPV. 24Ce principe gĂ©nĂ©ral se dĂ©cline en trois niveaux de responsabilitĂ© un principe de responsabilitĂ© individuelle qui fait obligation aux individus d’agir de maniĂšre Ă  protĂ©ger les intĂ©rĂȘts des personnes sur lesquels ils ont un pouvoir d’agir ; un principe de responsabilitĂ© collective qui fait obligation Ă  la collectivitĂ© de s’organiser et de mettre en place un plan d’actions coordonnĂ©es pour protĂ©ger les intĂ©rĂȘts des personnes vulnĂ©rables sur lesquels la collectivitĂ© a un pouvoir d’agir ; un deuxiĂšme principe de responsabilitĂ© individuelle qui fait obligation aux personnes qui appartiennent Ă  la collectivitĂ© visĂ©e par le principe de responsabilitĂ© collective, de s’assurer que la collectivitĂ© s’acquitte de sa responsabilitĂ© collective Ă  l’égard des personnes vulnĂ©rables. Il fait aussi obligation aux personnes qui appartiennent Ă  la collectivitĂ© de s’acquitter des responsabilitĂ©s qui leur sont individuellement dĂ©volues dans le cadre du plan d’actions coordonnĂ©es auquel donne lieu le principe de responsabilitĂ© collective. 25Le PPV explicite la rĂ©partition de la responsabilitĂ© dans le cas de la responsabilitĂ© collective en fonction des ressources de chacun, son degrĂ© de responsabilitĂ©, et tient compte de la hiĂ©rarchisation des responsabilitĂ©s en conflit. Autrement dit, le principe prescrit Ă  qui appartient la responsabilitĂ©. 26Voyons plus en dĂ©tail ces principes. Le premier principe de responsabilitĂ© individuelle s’énonce comme suit 29 Goodin, Protecting the Vulnerable, p. 118. Si les intĂ©rĂȘts de A sont vulnĂ©rables en regard des actions et des choix de B, B a la responsabilitĂ© le devoir particulier de protĂ©ger les intĂ©rĂȘts de A ; le degrĂ© de cette responsabilitĂ© dĂ©pend du degrĂ© avec lequel B peut affecter les intĂ©rĂȘts de A29. 27Ce premier principe, formel, qui dĂ©coule simplement de l’argumentation prĂ©cĂ©dente, n’est toutefois pas suffisant pour assurer la protection des personnes vulnĂ©rables. Dans la plupart des cas, les intĂ©rĂȘts de A sont vulnĂ©rables en regard des actions de plusieurs B et l’action d’un seul B ne change rien Ă  la situation de vulnĂ©rabilitĂ©. La responsabilitĂ© devient alors collective ; elle devient celle de tous les B. 28La responsabilitĂ© collective peut ĂȘtre disjonctive ou conjonctive. Elle est dite disjonctive s’il suffit qu’une seule personne intervienne pour aider A. Les autres B sont alors dĂ©chargĂ©s de leur responsabilitĂ© d’agir. Par exemple, si A est en train de se noyer, dĂšs qu’un B intervient, les autres B n’ont plus Ă  le faire. Quel B est alors responsable ? Dans tous les cas de responsabilitĂ© disjonctive, rĂ©pond Goodin, chacun est entiĂšrement responsable pour la totalitĂ© du tort. Mais c’est la personne la plus apte Ă  aider qui possĂšde la responsabilitĂ© premiĂšre le meilleur nageur, la personne la plus proche
. Cependant, tous ceux qui sont capables d’aider possĂšdent une responsabilitĂ© rĂ©siduelle au cas oĂč le premier responsable ne pourrait pas aider. Ils possĂšdent aussi une responsabilitĂ© continue de s’assurer que leur assistance n’est pas requise. La limite de la responsabilitĂ© est toujours le besoin de la personne vulnĂ©rable et la capacitĂ© de la personne responsable d’agir efficacement. 29La responsabilitĂ© collective est conjonctive lorsque A est vulnĂ©rable Ă  l’égard de plusieurs B pris collectivement. C’est le cas lorsque l’aide requise ne peut pas venir d’une seule personne, mais requiert l’intervention de tout un groupe de personnes. Par exemple, le sauvetage d’une embarcation de rĂ©fugiĂ©s en mer MĂ©diterranĂ©e requiert l’aide coordonnĂ©e de tous les marins du bateau de sauvetage. 30 Goodin, Protecting the Vulnerable, p. 136. 30Dans tous les cas de responsabilitĂ© collective, que la responsabilitĂ© soit disjonctive ou conjonctive, la responsabilitĂ© requiert de coordonner les efforts de plusieurs individus30 ». D’oĂč ce principe de responsabilitĂ© collective 31 Goodin, Protecting the Vulnerable, p. 136. Si les intĂ©rĂȘts de A sont vulnĂ©rables par rapport aux actions et aux choix d’un groupe d’individus, que ce soit de maniĂšre disjonctive ou conjonctive, alors ce groupe a la responsabilitĂ© particuliĂšre a de s’organiser formellement ou informellement et b de mettre en place un plan pour coordonner les actions des membres du groupe de maniĂšre Ă  ce que les intĂ©rĂȘts de A soient protĂ©gĂ©s aussi bien qu’ils peuvent l’ĂȘtre par le groupe, en tenant compte des autres responsabilitĂ©s du groupe31. 31Goodin prĂ©cise que le degrĂ© de responsabilitĂ© dĂ©pend du degrĂ© de vulnĂ©rabilitĂ© de A. Il ajoute aussi que la responsabilitĂ© du groupe Ă  l’égard de A peut ĂȘtre surpassĂ©e par des responsabilitĂ©s plus grandes Ă  l’égard d’autres personnes vulnĂ©rables. 32 Goodin, Protecting the Vulnerable, p. 137. 32Le principe de responsabilitĂ© collective comprend l’obligation de s’organiser et de se coordonner de maniĂšre Ă  ce que l’aide ne soit pas confuse et chaotique »32. Pour s’en assurer, Goodin Ă©nonce un troisiĂšme principe qu’il dĂ©signe comme deuxiĂšme principe de responsabilitĂ© individuelle Si B est membre d’un groupe qui est responsable, en vertu du Principe de responsabilitĂ© collective, de protĂ©ger les intĂ©rĂȘts de A, alors B a la responsabilitĂ© 33a de veiller Ă  ce que, autant qu’il le peut, le groupe organise un plan d’action collectif Ă  mĂȘme de protĂ©ger les intĂ©rĂȘts de A aussi bien qu’il le peut, en tenant compte des autres responsabilitĂ©s du groupe ; 33 Goodin, Protecting the Vulnerable, p. 139. 34b de s’acquitter complĂštement et efficacement des responsabilitĂ©s qui lui reviennent en vertu d’un tel plan, autant que cela est compatible avec ses autres responsabilitĂ©s morales et dans la mesure oĂč ce plan protĂšge les intĂ©rĂȘts de A mieux que s’il n’y avait aucun plan33. 35Ici encore, ce principe est modulĂ© par les considĂ©rations suivantes. Le degrĂ© de responsabilitĂ© dĂ©pend de l’impact que les actions et les choix de B peuvent avoir sur les intĂ©rĂȘts de A, directement clause b ou indirectement son influence sur le groupe pour qu’il organise un plan collectif pour protĂ©ger les intĂ©rĂȘts de A relativement Ă  la clause a. Ensuite, les ressources que B doit consacrer Ă  chacune de ces tĂąches dĂ©pendent de son efficacitĂ© Ă  poursuivre chacune d’elles et du poids de ces responsabilitĂ©s en regard d’autres responsabilitĂ©s conflictuelles que B pourrait avoir Ă  l’égard d’autres personnes. Enfin, B ne devrait pas prendre pour acquis qu’un plan d’action collectif et coordonnĂ© fonctionnera toujours parfaitement. Chaque B pris individuellement possĂšde une responsabilitĂ© rĂ©siduelle de surveiller le fonctionnement du plan pour s’assurer que les personnes vulnĂ©rables sont protĂ©gĂ©es, de faire pression pour qu’on y apporte des ajustements, qu’on le rĂ©organise ou qu’on le remplace s’il ne fonctionne pas. III. PrĂ©venir les relations d’exploitation 34 Goodin, Protecting the Vulnerable, p. 111. 36Le PPV est une injonction de prĂ©venir les torts qui s’adresse d’abord aux personnes individuelles dans la mesure de leurs moyens et en fonction de leur situation par rapport aux personnes vulnĂ©rables. Mais si on veut bien en saisir la portĂ©e, il faut surtout le penser comme destinĂ© Ă  l’État, au politique, en tant qu’instance exĂ©cutrice de la responsabilitĂ© de la collectivitĂ© des individus responsables. Le deuxiĂšme principe de responsabilitĂ© individuelle est clair quant au fait que les personnes individuelles ont la responsabilitĂ© sociale et politique de faire pression sur les dĂ©cideurs pour que soient adoptĂ©es des politiques qui prennent en charge la vulnĂ©rabilitĂ© des personnes. Le PPV est donc un principe de responsabilitĂ© sociale de l’État tournĂ© vers l’assistance Ă  ceux qui sont dans le besoin34. 35 Goodin, Protecting the Vulnerable, p. 190. 36 E. C. Gilson, The Ethics of Vulnerability. A Feminist Analysis of Social Life and Practice Studie ... 37Pour Goodin d’ailleurs, il importe peu que les vulnĂ©rabilitĂ©s soient naturelles ou sociales puisque les premiĂšres sont de toutes façons toujours mĂ©diĂ©es par nos arrangements sociaux et institutionnels35. Pour cette raison, l’origine, la source ou la cause de la vulnĂ©rabilitĂ© ne sont pas des critĂšres moralement pertinents. Ce qui est moralement pertinent c’est la possibilitĂ© que le tort soit prĂ©venu ou corrigĂ© et qu’un agent moral soit en mesure de le faire. Si cette possibilitĂ© existe, elle vient avec la responsabilitĂ© de chercher Ă  rĂ©duire autant que possible la vulnĂ©rabilitĂ© en modifiant les arrangements sociaux qui y contribuent36 ». 37 Goodin, Protecting the Vulnerable, p. 192. 38Ici, ce Ă  quoi s’attaque plus prĂ©cisĂ©ment Goodin en appelant Ă  une nouvelle analyse de nos responsabilitĂ©s sociales sous-titre de son livre, c’est la vulnĂ©rabilitĂ© gĂ©nĂ©rĂ©e par les relations d’exploitation. Il est certainement impossible et probablement non souhaitable d’éliminer toutes les formes de vulnĂ©rabilitĂ©. Les ĂȘtres humains, en raison de leur nature sociale, sont dĂ©pendants Ă©conomiquement, biologiquement, politiquement, etc. les uns des autres et c’est cette nĂ©cessaire interdĂ©pendance qui engendre la vulnĂ©rabilitĂ©. Toutes les formes de dĂ©pendances ne sont pas forcĂ©ment indĂ©sirables et il n’est pas certain que l’on doive chercher Ă  rĂ©duire toutes les vulnĂ©rabilitĂ©s. Ce qui doit ĂȘtre modifiĂ©, ce sont les conditions qui favorisent l’exploitation37. Cette vulnĂ©rabilitĂ© est injuste et doit ĂȘtre Ă©vitĂ©e. Aussi, la premiĂšre responsabilitĂ©, et le sens du PPV, est de prĂ©venir ces relations d’exploitation. 38 Goodin, Protecting the Vulnerable, p. 195-196 ; Gilson, The Ethics of Vulnerability, p. 27. 39Les relations d’exploitation sont celles dans lesquelles il y a une asymĂ©trie de pouvoir entre deux parties la partie vulnĂ©rable a besoin de ce qui est fourni par la partie dominante ; la partie vulnĂ©rable n’a accĂšs Ă  ce dont elle a besoin qu’à travers une relation avec la partie dominante ; et la partie dominante contrĂŽle ces ressources et peut les retenir38. Face Ă  ce type de relation, l’État — l’État providence le Welfare State — est le plus responsable en vertu des trois formulations du PPV. L’État a la responsabilitĂ© d’exercer un rĂŽle prĂ©ventif et correctif en fournissant les ressources lui-mĂȘme ou en y assurant l’accĂšs afin d’empĂȘcher que des personnes se trouvent dans de telles relations d’exploitation. La gestion de la distribution de ces ressources par l’État fait en sorte que ceux dont c’est la fonction de distribuer ces ressources fonctionnaires, commis de l’État ne soient pas en charge de dĂ©cider qui doit les recevoir — contrairement Ă  ce qui est souvent le cas dans la fonction publique de certains États. IV. L’intĂ©rĂȘt de la contribution de Goodin 39 M. U. Walker, Moral Understandings A Feminist Study in Ethics, New York, Routledge, 1998. 40Ce qui distingue fondamentalement le PPV des Ă©thiques de la vulnĂ©rabilitĂ©, c’est son recours Ă  une thĂ©orie des devoirs pour fonder la responsabilitĂ© envers les personnes vulnĂ©rables, alors que les Ă©thiciennes de la vulnĂ©rabilitĂ© considĂšrent qu’il faut plutĂŽt procĂ©der Ă  une critique et Ă  une dĂ©construction des structures sociales de classe et de genre qui transforment certaines situations en situations de vulnĂ©rabilitĂ© pathogĂšne. Par exemple, Margaret Urban Walker39 estime que l’attribution des responsabilitĂ©s en fonction d’un critĂšre comme celui de Goodin — ĂȘtre celui qui est en position de porter assistance Ă  une personne vulnĂ©rable — repose sur des comprĂ©hensions et des reprĂ©sentations contingentes et non questionnĂ©es par exemple, le fait que la responsabilitĂ© de prendre soin d’un enfant soit presque toujours assignĂ©e d’abord Ă  la mĂšre puisqu’elle est la plus en situation de le faire. Walker considĂšre que beaucoup de ces assignations de responsabilitĂ© se rĂ©vĂšlent inefficaces, car elles ne permettent pas de rĂ©pondre correctement aux besoins des personnes dĂ©pendantes, et crĂ©ent une vulnĂ©rabilitĂ© supplĂ©mentaire — celle des mĂšres ou autres aidantes, par exemple. Elle critique le lien unidirectionnel que fait Goodin entre vulnĂ©rabilitĂ© et responsabilitĂ© la vulnĂ©rabilitĂ© entraĂźnant la responsabilitĂ©, sans voir qu’en retour l’attribution des responsabilitĂ©s peut engendrer une vulnĂ©rabilitĂ© accrue, soit des aidants, soit des personnes vulnĂ©rables. 40 Dodds, Dependance, Care, and Vulnerability ». 41 Dodds, Dependance, Care, and Vulnerability », p. 184. 41Susan Dodds, pour sa part, reproche Ă  Goodin de ne pas faire de distinction entre vulnĂ©rabilitĂ© et dĂ©pendance40. Pour Dodds, la dĂ©pendance est un type de vulnĂ©rabilitĂ©, mais toutes les vulnĂ©rabilitĂ©s ne sont pas des dĂ©pendances. La distinction est importante Ă  faire car la vulnĂ©rabilitĂ©-dĂ©pendance requiert une rĂ©ponse Ă©thique diffĂ©rente de la vulnĂ©rabilitĂ©-non-dĂ©pendance. La rĂ©ponse Ă  la premiĂšre relĂšve du care, une rĂ©ponse personnalisĂ©e et singularisĂ©e qui passe par des soins proches et personnels ; la seconde requiert des mesures gĂ©nĂ©rales de prĂ©vention, de correction ou d’attĂ©nuation ou encore des pratiques institutionnelles qui rĂ©pondent aux besoins des personnes et promeuvent leur autonomie41. 42Ces critiques ne sont pas les seules, mais elles reviennent frĂ©quemment. Elles ne diminuent pas, toutefois, l’importance qu’il faut accorder Ă  la rĂ©flexion de Goodin et qui repose, selon moi, sur trois raisons. La premiĂšre, c’est que le PPV et la valeur de responsabilitĂ© constituent des Ă©lĂ©ments Ă©thico-moraux utiles pour l’éthique appliquĂ©e — laquelle s’intĂ©resse aux dĂ©cisions pratiques concrĂštes et singuliĂšres. Le PPV et la valeur de responsabilitĂ© peuvent ĂȘtre convoquĂ©s dans la dĂ©libĂ©ration Ă©thique sur la base des valeurs, et motiver une dĂ©cision pratique ; ce qui ne peut pas ĂȘtre le cas pour la vulnĂ©rabilitĂ© puisqu’elle n’est pas une finalitĂ© Ă  rechercher. La vulnĂ©rabilitĂ© ne peut ĂȘtre prise en compte, dans la dĂ©libĂ©ration Ă©thique, que si on considĂšre qu’elle donne lieu Ă  une valeur, Ă  une obligation ou Ă  un principe sur lesquels on peut dĂ©libĂ©rer. C’est cette traduction de la vulnĂ©rabilitĂ© en un Ă©lĂ©ment Ă©thico-moral qu’effectue Goodin. 43La deuxiĂšme raison est que le principe de responsabilitĂ© collective 2e principe et le deuxiĂšme principe de responsabilitĂ© individuelle 3e principe structurent une responsabilitĂ© collective qui n’annule pas la responsabilitĂ© individuelle. D’abord, il est vrai que la responsabilitĂ© collective s’adresse au corps social et politique qui doit s’assurer que des moyens soient pris pour protĂ©ger les plus vulnĂ©rables sans tomber dans le paternalisme et ainsi prĂȘter le flanc Ă  une autre critique. Cette responsabilitĂ© collective a l’avantage d’éviter de restreindre la prise en compte de la vulnĂ©rabilitĂ© aux relations interpersonnelles pour plutĂŽt la traduire en obligations politiques qui dĂ©chargent les personnes individuelles par exemple les proches aidants de responsabilitĂ©s trop lourdes susceptibles d’engendrer Ă  leur tour de nouvelles vulnĂ©rabilitĂ©s dites pathogĂšnes. Mais la responsabilitĂ© collective concerne quand mĂȘme les individus deuxiĂšme principe de responsabilitĂ© individuelle elle appelle le citoyen Ă  demeurer alerte et vigilant en s’assurant que les niveaux politique, administratif, juridique mettent en place les moyens d’assurer cette responsabilitĂ© collective. L’individu ne peut pas se dĂ©responsabiliser en disant que ce sont les autoritĂ©s qui ne remplissent pas leurs obligations. 42 B. LatanĂ© – J. Darley, The Unresponsive Bystander. Why Doesn’t He Help? The Century Psychology Se ... 43 LatanĂ© – Darley, The Unresponsive Bystander, p. 91, citĂ© par M. Terestchenko, Un si fragile vernis ... 44 Goodin, Protecting the Vulnerable, p. 135. 45 Il s’agit d’une recommandation que l’on trouve dans L. BĂ©gin – D. Rondeau – N. Marchand, L’effondr ... 44Enfin, ce deuxiĂšme principe de responsabilitĂ© individuelle est important au regard des travaux en psychosociologie expĂ©rimentale portant sur l’érosion ou la dilution de la responsabilitĂ©. Les chercheurs Bibb LatanĂ© et John Darley42 ont montrĂ© que lorsque plusieurs personnes sont en situation de porter assistance Ă  une personne en danger, une majoritĂ© d’entre elles vont considĂ©rer qu’elles n’ont pas Ă  intervenir puisque d’autres personnes sont lĂ  et vont le faire. Chaque individu rationalise sa propre inaction en se convainquant lui-mĂȘme que “quelqu’un d’autre doit ĂȘtre en train de faire quelque chose”43 ». Ainsi, personne n’intervient. Le deuxiĂšme principe de responsabilitĂ© individuelle vient rappeler que le degrĂ© de responsabilitĂ© de chacun ne varie pas en fonction du nombre de personnes prĂ©sentes. Comme l’écrit Goodin, la division de la responsabilitĂ© au prorata des personnes responsables est sans fondement sur le plan moral44. Bien sĂ»r, ce seul principe ne peut pas changer la psychologie humaine. Mais ce que l’on peut retenir des travaux de LatanĂ© et Darley, c’est l’importance de renforcer le sentiment de responsabilitĂ© individuelle, par exemple dans le cadre d’une Ă©ducation Ă  l’éthique et d’intĂ©grer, dans les formations en Ă©thique, la dimension psychosociologique de l’agir humain45. ⁂ 46 M. Revault d’Allonnes, Ce que l'Homme fait Ă  l'Homme. Essai sur le mal politique Couleur des idĂ©e ... 45La vulnĂ©rabilitĂ© est inhĂ©rente Ă  la vie humaine. Peut-ĂȘtre mĂȘme est-elle indispensable Ă  une vie authentiquement humaine. Elle est certainement, en tout cas, la source des Ă©motions, de l’empathie, de la sensibilitĂ© morale et de la conscience morale. Elle est probablement aussi la raison pour laquelle nous accordons une si grande valeur Ă  la vie et nous efforçons de la conserver en nous, et — de plus en plus — dans le vivant en gĂ©nĂ©ral. La vulnĂ©rabilitĂ©, c’est en quelque sorte la conscience d’ĂȘtre en Ă©quilibre au-dessus du vide. Mais c’est aussi cette vulnĂ©rabilitĂ© qui fait des ĂȘtres vivants des ĂȘtres souffrants. En ce sens, la souffrance constitue une dimension de la condition humaine. Il y a toutefois des souffrances inutiles, injustes, qui sont le fait d’ĂȘtres humains et qui n’ont pas de nĂ©cessitĂ© d’ĂȘtre. C’est sur cette souffrance, sur les injustices qu’elle crĂ©e ou qui en sont la cause, que s’efforcent de rĂ©flĂ©chir les Ă©thiques de vulnĂ©rabilitĂ©. Ou, pour reprendre l’expression forte de Myriam Revault d’Allonnes, sur le mal que l’homme fait Ă  l’homme46 » sous toutes ses formes. C’est aussi Ă  cette souffrance, en tant qu’elle est la consĂ©quence de relations sociales d’exploitation, que s’attaque Goodin en rappelant les responsabilitĂ©s sociales qui sont les nĂŽtres Ă  l’égard des personnes les plus vulnĂ©rables. 46La thĂšse de Goodin n’est sans doute pas sans failles et les critiques dont il fait l’objet doivent ĂȘtre vues comme un appel Ă  poursuivre la rĂ©flexion afin de rapprocher les Ă©thiques de la vulnĂ©rabilitĂ© et du care des approches consĂ©quentialistes comme celle de Goodin. Toutefois, un des problĂšmes les plus difficiles de la philosophie morale est celui du fondement de l’obligation. À notre Ă©poque, ce fondement se doit d’ĂȘtre autorĂ©gulatoire, sans quoi l’obligation ne s’accompagne pas de la motivation nĂ©cessaire Ă  l’actualisation du contenu de l’obligation. Et ce fondement ne peut ĂȘtre autorĂ©gulatoire que si l’obligation est reconnue dans sa lĂ©gitimitĂ©, que si elle est reconnue comme un devoir avec toute sa nĂ©cessitĂ©, comme ce qui ne peut pas ne pas ĂȘtre. Ce fondement doit donc parler Ă  la raison. C’est le point fort de l’ouvrage de Goodin de s’attaquer avec succĂšs Ă  ce problĂšme. C’est aussi la principale difficultĂ© que rencontrent les approches qui s’appuient sur le souci d’autrui, la bienveillance, le sentiment que provoque en nous la vulnĂ©rabilitĂ© d’autrui. Partiaux et contingents, les sentiments ne peuvent pas constituer un fondement, ni dĂ©terminer l’agir moral juste, surtout si celui-ci doit ĂȘtre collectif, politique. Mais ils peuvent mettre sur la piste des besoins et contribuer Ă  la rĂ©flexion sur ce que sont les intĂ©rĂȘts moralement pertinents. C’est pourquoi ces deux approches doivent ĂȘtre pensĂ©es en complĂ©mentaritĂ© plutĂŽt qu’en opposition. Haut de page Notes 1 C’est notamment ce que fait valoir BrenĂ© Brown dans Le Pouvoir de la vulnĂ©rabilitĂ© la vulnĂ©rabilitĂ© est une force qui peut transformer votre vie, Paris, TrĂ©daniel, 2014. 2 C. Mackenzie – W. Rogers – S. Dodds, Introduction What is Vulnerability, and Why Does it Matter for Moral Theory? », dans Eaedem Ă©d., Vulnerability. New Essays in Ethics and Feminist Philosophy Studies in Feminist Philosophy, New York, Oxford University Press, 2013, p. 1-29. 3 Mackenzie – Rogers – Dodds, Introduction », p. 7. 4 Mackenzie – Rogers – Dodds, Introduction », p. 7. 5 Je classe Hans Jonas Ă  part. Il se soucie de la vulnĂ©rabilitĂ© accrue qui vient de l’accroissement du pouvoir humain du fait du dĂ©veloppement technoscientifique, ce qui peut ĂȘtre considĂ©rĂ© comme une vulnĂ©rabilitĂ© situationnelle. À la diffĂ©rence toutefois des Ă©thiques de la vulnĂ©rabilitĂ© qui portent sur la vulnĂ©rabilitĂ© des individus et des groupes sociaux, Jonas se prĂ©occupe de l’humanitĂ©, de l’environnement et de l’ĂȘtre dans sa totalitĂ©. 6 H. Thomas, Les vulnĂ©rables. La dĂ©mocratie contre les pauvres Terra, Bellecombe-en-Bauges Savoie, Éditions du Croquant, 2010. 7 L. Burgorgue Larsen, La vulnĂ©rabilitĂ© saisie par les juges en Europe Cahiers europĂ©ens 7, Paris, Pedone, 2014. 8 R. E. Goodin, Protecting the Vulnerable. A Reanalysis of our Social Responsibilities, Chicago, University Press, 1985. 9 L’expression vulnĂ©rabilitĂ© moralement problĂ©matique » dĂ©signe les formes ou les situations de vulnĂ©rabilitĂ© qui constituent un problĂšme du point de vue de la thĂ©orie morale ou de l’éthique parce qu’elles mettent en jeu des valeurs ou des normes ainsi que nos obligations Ă  l’égard d’autrui. Certains types de vulnĂ©rabilitĂ© affectent la capacitĂ© de vivre de façon autonome et les bases du respect de soi, alors que d’autres formes de vulnĂ©rabilitĂ© peuvent au contraire favoriser l’autonomie individuelle et l'estime de soi. Par exemple, Christine Straehle propose une distinction entre trois types de vulnĂ©rabilitĂ© auto-nĂ©gatrice, circonstancielle et auto-constitutive. Seules les deux premiĂšres seraient moralement problĂ©matiques. La vulnĂ©rabilitĂ© auto-constitutive dans les relations amoureuses, par exemple nous permet de rĂ©aliser une conception de nous-mĂȘmes que nous entĂ©rinons et avec laquelle nous nous prĂ©sentons au monde. Voir C. Straehle, Vulnerability, Autonomy and Self-Respect », dans Eadem Ă©d., Vulnerability, Autonomy and Applied Ethics Research in Applied Ethics 1, New York, Routledge, 2017, p. 33-48. Robert Goodin estime lui aussi que les relations amoureuses instaurent une vulnĂ©rabilitĂ© dĂ©sirable Protecting the Vulnerable, p. 193. 10 Les Ă©thiques du care et certaines Ă©thiques de la vulnĂ©rabilitĂ© insistent sur la proximitĂ© et la nature relationnelle de la vulnĂ©rabilitĂ© pour dĂ©finir les obligations des uns envers les autres. 11 Voir n. ci-dessus. 12 Plusieurs des critiques faites Ă  Goodin par les thĂ©oriciennes fĂ©ministes porteront d’ailleurs sur sa dĂ©finition trop gĂ©nĂ©rale de la vulnĂ©rabilitĂ© et l’absence de distinction entre dĂ©pendance et vulnĂ©rabilitĂ©, deux termes qu’utiliserait indistinctement Goodin. Voir S. Dodds, Dependance, Care, and Vulnerability », dans Mackenzie – Rogers – Dodds Ă©d., Vulnerability, p. 181-203. 13 Goodin, Protecting the Vulnerable, p. 22. 14 Goodin, Protecting the Vulnerable, p. 20. 15 Cette intuition morale a Ă©tĂ© maintes fois confirmĂ©e en philosophie morale expĂ©rimentale en soumettant des participants Ă  des dilemmes fictifs comme celui du tramway fou. 16 Goodin, Protecting the Vulnerable, p. 26-27. 17 Goodin, Protecting the Vulnerable, p. 33. 18 Goodin, Protecting the Vulnerable, p. 34. 19 R. E. Flathman, Political Obligation Studies in Political Theory, New York, Atheneum, 1972, p. 214, citĂ© par Goodin, Protecting the Vulnerable, p. 34. 20 Goodin, Protecting the Vulnerable, p. 34. 21 Goodin, Protecting the Vulnerable, p. 34. 22 Goodin, Protecting the Vulnerable, p. 35-36. 23 Goodin, Protecting the Vulnerable, p. 44. 24 Goodin, Protecting the Vulnerable, p. 44. 25 Goodin, Protecting the Vulnerable, p. 110. 26 Sur cette question, voir le chapitre 4 de Goodin, Protecting the Vulnerable. 27 Pour en faire la liste, Goodin se rĂ©fĂšre librement et surtout Ă  titre d’exemple Ă  celle qu’en donne John Rawls dans A Theory of Justice. 28 Goodin, Protecting the Vulnerable, p. 111. 29 Goodin, Protecting the Vulnerable, p. 118. 30 Goodin, Protecting the Vulnerable, p. 136. 31 Goodin, Protecting the Vulnerable, p. 136. 32 Goodin, Protecting the Vulnerable, p. 137. 33 Goodin, Protecting the Vulnerable, p. 139. 34 Goodin, Protecting the Vulnerable, p. 111. 35 Goodin, Protecting the Vulnerable, p. 190. 36 E. C. Gilson, The Ethics of Vulnerability. A Feminist Analysis of Social Life and Practice Studies in Ethics and Moral Theory 26, New York, Routledge, 2014, p. 28. 37 Goodin, Protecting the Vulnerable, p. 192. 38 Goodin, Protecting the Vulnerable, p. 195-196 ; Gilson, The Ethics of Vulnerability, p. 27. 39 M. U. Walker, Moral Understandings A Feminist Study in Ethics, New York, Routledge, 1998. 40 Dodds, Dependance, Care, and Vulnerability ». 41 Dodds, Dependance, Care, and Vulnerability », p. 184. 42 B. LatanĂ© – J. Darley, The Unresponsive Bystander. Why Doesn’t He Help? The Century Psychology Series, New Jersey, Prentice Hall, 1970. 43 LatanĂ© – Darley, The Unresponsive Bystander, p. 91, citĂ© par M. Terestchenko, Un si fragile vernis d’humanitĂ©. BanalitĂ© du mal, banalitĂ© du bien Poche 263, Paris, La DĂ©couverte, 2007, p. 175. 44 Goodin, Protecting the Vulnerable, p. 135. 45 Il s’agit d’une recommandation que l’on trouve dans L. BĂ©gin – D. Rondeau – N. Marchand, L’effondrement du viaduc de la Concorde diagnostic Ă©thique prĂ©liminaire, QuĂ©bec, Institut d’éthique appliquĂ©e, 2009 disponible sur 46 M. Revault d’Allonnes, Ce que l'Homme fait Ă  l'Homme. Essai sur le mal politique Couleur des idĂ©es, Paris, Seuil, de page Pour citer cet article RĂ©fĂ©rence papier Dany Rondeau, La vulnĂ©rabilitĂ© engendre-t-elle une obligation morale ? », Revue des sciences religieuses, 93/1-2 2019, 17-36. RĂ©fĂ©rence Ă©lectronique Dany Rondeau, La vulnĂ©rabilitĂ© engendre-t-elle une obligation morale ? », Revue des sciences religieuses [En ligne], 93/1-2 2019, mis en ligne le 06 juin 2019, consultĂ© le 28 aoĂ»t 2022. URL ; DOI de page Droits d'auteur Tous droits rĂ©servĂ©sHaut de page

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